Notre président intervient dans un dossier publié ce matin dans La Presse !
Archives nationales et chefs d’État : La mémoire d’un peuple
Par André Duschesne
Au lendemain de la perquisition faite par le FBI à Mar-a-Lago pour récupérer des boîtes de documents réclamées par les Archives nationales américaines, les archivistes québécois ont vécu un moment de joie.
« L’histoire a beaucoup fait jaser et surtout fait rire nos membres », dit Julien Bréard, président de l’Association des archivistes du Québec, qui compte quelque 600 membres. « Dans nos groupes de discussion, les gens disaient : “Enfin, on parle de nous !”, “Enfin, on dit que les archives, c’est important !” »
Les archives, qu’elles soient politiques, économiques, généalogiques, culturelles, sportives, médicales, constituent la mémoire d’un peuple. Dans cette optique, les archives des dirigeants directement liées à leur travail permettent de mieux comprendre l’évolution d’un pays, d’une province, d’une ville. Leur protection, leur gestion et leur préservation sont à l’avenant.
Les Américains l’ont appris avec la saisie de Mar-a-Lago. Or, au Canada comme au Québec, les archives des premiers ministres sont aussi encadrées par des règles, bien que moins contraignantes.
« Dans le système canadien, le premier ministre est “premier parmi ses pairs”. Il n’est pas “élu premier ministre” et n’a pas le même statut qu’un président aux États-Unis, indique Audrée Tanguay, de Bibliothèque et Archives Canada. Le Canada n’a pas de loi spécifique quant aux documents des premiers ministres, comme le Presidential Records Act américain » (voir autre texte).
Pas de loi mais des obligations, qui s’étendent aussi aux ministres. Ceux-ci reçoivent, à leur cabinet, des documents classés en quatre catégories : gouvernementaux, ministériels, « personnels et politiques » et du cabinet.
PHOTO STEVE HELBER, ASSOCIATED PRESS
Vue aérienne du domaine Mar-a-Lago, en Floride, où l’ancien président Donald Trump détenait des boîtes d’archives réclamées par les Archives nationales des États-Unis.
Les documents gouvernementaux (notes d’information, rapports ministériels, cahiers de transition, discours), comprenant ceux dits « secrets » ou « top secrets » et des documents du cabinet (mémoires, rapports des comités, comptes rendus des décisions, etc.), doivent être remis au gouvernement du Canada. Les documents personnels et politiques (relatifs au parti) sont privés. Le premier ministre a le choix ou non de les verser aux archives.
Enfin, les documents ministériels (notes de breffage annotées, courriels, certains dossiers administratifs, etc.) sont régis par la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada. « Leur élimination ou aliénation est subordonnée à l’autorisation écrite du bibliothécaire et archiviste du Canada », poursuit Mme Tanguay.
À Québec
Le Québec a de son côté une Loi sur les archives dont les articles régissent le traitement des documents des organismes publics : gouvernement, Assemblée nationale, ministères, etc. De fait, les individus sont concernés.
Il est important de départager l’information qui est publique de celle qui est privée. Les mémoires, documents du Conseil des ministres, analyses des comités ministériels et délibérations du Conseil des ministres sont publics. Le premier ministre ne peut partir avec ces documents.
Christian Drolet, archiviste-coordonnateur à Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ)
Les documents de nature privée restent en possession du premier ministre qui en dispose comme il veut. « Si, par exemple, le premier ministre écrit, de son bureau, une lettre personnelle à quelqu’un de son parti, c’est de nature privée », poursuit M. Drolet.
PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE
Photo entourant la création de la pièce de théâtre Princesse à marier, de René Lévesque. De gauche à droite : Christo Christy, Francine Bordeaux, Lucien Côté et René Lévesque.
Photo de William, Bertram Edwards, fonds René Lévesque, BAnQ, P18, S1, SS4, SSS2, D27
Par contre, la correspondance du premier ministre, qui reçoit des centaines de lettres, est gérée comme étant publique, dit M. Drolet.
Les archives ne sont pas accessibles du jour au lendemain. D’abord, parce qu’il faut les traiter. Et parce que certains sujets sont sensibles ; on laisse la poussière retomber. Elles sont alors interdites d’accès pour des périodes variables. Ainsi, les mémoires des délibérations des conseils des ministres sont déclassifiées après 25 ans.
« Les archives publiques du premier ministre sont d’abord gérées par le ministère du Conseil exécutif [le ministère du premier ministre], poursuit Christian Drolet. Les documents sont conservés dans des centres et considérés comme semi-actifs. Une fois la période de restriction terminée, ils sont remis à BAnQ. »
Il est possible, pour le public, de consulter en ligne, sur la page du ministère du Conseil exécutif, les mémoires déclassifiés des 18 derniers mois concernés. Ainsi, le plus récent date de mai 1997.
Les villes ont aussi des obligations, dit le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation. Le greffier ou greffier-trésorier des cités et villes a « la garde de tous les livres, registres, plans, cartes, archives et autres documents et papiers qui sont la propriété de la municipalité ou qui sont produits, déposés et conservés dans le bureau de la municipalité ».
Vers une modernisation
Adoptée en 1983, la Loi sur les archives du Québec doit être « modernisée », indique Christian Drolet. Le passage à la numérisation est au cœur des discussions.
Ce qui alimente nos réflexions et qui n’a pas encore été pris en compte, ce sont les messages par textos, Messenger et Twitter. La gestion documentaire encourage les premiers ministres et ministres à parler par voix officielles (lettres, courriels). On ne les encourage pas à utiliser un texto à des fins officielles.
Christian Drolet, archiviste-coordonnateurà Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ)
PHOTO FOURNIE PAR L’ASSOCIATION DES ARCHIVISTES DU QUÉBEC
Julien Bréard, président de l’Association des archivistes du Québec
« L’actuelle loi est encore très papier alors qu’aujourd’hui, 95 % de l’information est numérique, confirme Julien Bréard. Avec le numérique, plus de documents sont créés et il y a donc plus d’information à conserver, structurer, ordonner, indexer. Cette conservation passe par la nécessité de s’assurer que les systèmes informatiques vont être capables de lire les documents créés il y a quelques années. »