Article paru le 11 décembre 2021 dans la section Libre opinion du journal Le Devoir.
Auteur: Carol Couture, Directeur, École de bibliothéconomie et des sciences de l’information, Université de Montréal, 2001-2005 ; conservateur et directeur général des archives, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2006-2012
Si on se fie au propos de Catherine Lalonde dans son texte intitulé : « De virage numérique à “expérience BAnQ” », on est loin du début de l’amorce d’un commencement du processus qui aurait permis de remettre le train qu’est BAnQ sur les rails. On sent le grincement des freins plus que le bruit sourd de l’accélération. Bref, si BAnQ n’est pas la locomotive de l’accès à la culture, à la connaissance, au savoir : À quoi bon ? Comme le « petit train du Nord », cette grande institution phare risque maintenant de perdre ses repères dans la poudrerie du manque de ressources. Et pourtant, ne nous avait-on pas laissés entrevoir des jours pleins de promesses ? Il n’aura fallu que trois mois pour trouver le ton et les mots excusant le manque de moyens. Les propos de madame Grégoire me laissent tout simplement sans mot.
« Remettre l’usager au cœur de “l’expérience BAnQ” ». Wow ! Tout un programme pour une institution dont la mission a toujours été de répondre richement et en abondance aux besoins des citoyens de tous âges et de toute provenance. De l’enfant qui veut découvrir, à l’adulte qui aborde la connaissance par le livre, les archives ou toute autre source de savoir, au chercheur aguerri qui a besoin de ressources spécialisées pour mener à terme ses réflexions, qu’elles soient de nature culturelle ou scientifique.
« On a beaucoup parlé de la transformation numérique, maintenant on va essayer de le phraser à travers “l’expérience BAnQ” […] Une expérience où les employés vont avoir un indice de bonheur élevé à faire ce qu’ils ont à faire, c’est-à-dire une tâche proportionnelle à ce qu’on est capable d’accomplir. On ne va pas s’épivarder. » C’est quoi ça ! ? Des employés qui devront trouver plaisir à ne pas pouvoir faire ce qu’ils auraient dû faire faute de moyens ? Quelles perspectives réjouissantes !
Nous sommes très loin de la gare où le petit train fumant pourra enfin laisser descendre ses passagers qui, de toute façon, ne se souviennent pas trop de la destination qu’ils avaient choisi de rejoindre.
Dommage quand même de constater qu’au bout du compte, BAnQ ne bénéficiera pas de l’amélioration pourtant annoncée de sa situation budgétaire et du renouvellement de ses ressources. Décidément, BAnQ ne sera plus la locomotive qu’elle était, elle ne sera pas plus le wagon de tête, elle devra se contenter d’être « un wagon » ou pire, le wagon de queue, familièrement appelé « la cabouse ».
Est-il trop tard pour faire quelque chose ? Est-il encore utilement possible de faire quelque chose ? La balle est maintenant dans le camp du milieu culturel et scientifique et des professionnels des sciences de l’information, archivistes et bibliothécaires. À vous de décider s’il vaut la peine de pousser à la roue pour tenter de remettre le train sur les rails.
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Un cataplasme sur une jambe de bois vermoulue…