9h15 à 10h45 – « Les coulisses de plateformes citoyennes inédites »

(participation citoyenne, volet 1) – animée par Louis-Pascal Rousseau

Quels sont les motivations et les défis liés à la collaboration dans un projet de participation citoyenne? Retour d’expériences.

1 - Les défis d’une collaboration citoyenne en ligne dans l’enrichissement des documents d’archives: le cas du Chronoscope avec Christian Boudreau

La présentation portera sur les résultats d’une expérimentation d’une plateforme collaborative (crowdsourcing), appelée Chronoscope, qui permet à la population d’avoir accès en ligne à des images à valeur patrimoniale provenant de plusieurs centres d’archives et de contribuer à leur enrichissement en les identifiant, les datant, les commentant et les géolocalisant. Le Chronoscope permet aussi aux utilisateurs de voter sur les contributions des autres, tel un processus de validation par les pairs. Sous la direction du professeur Christian Boudreau de l’ÉNAP, le projet d’expérimentation de la plateforme a commencée en mai 2019 avec 5 principaux partenaires : quatre organismes publics (Ville de Québec, Ville de Gatineau, BAnQ et l’ÉNAP) et un organisme communautaire (Ilot Fleuri). Depuis, une vingtaine de partenaires se sont ajoutés au projet et ont accepté d’alimenter, à leur tour, la plateforme à partir d’images de leurs archives. Cet important ajout de partenaires est d’ailleurs l’une des principales retombées du projet.

Après avoir exposé les grandes fonctionnalités du Chronoscope et les étapes de l’expérimentation, le conférencier mettra en évidence quatre importants défis dans la mise en œuvre d’une plateforme de collaboration citoyenne visant l’enrichissement des documents d’archives. Un premier défi, lié à la participation citoyenne, consiste à amener les utilisateurs à aller au-delà de la simple consultation des images de manière à ce qu’ils contribuent à l’enrichissement de ces documents en y ajoutant de l’information. Un deuxième défi renvoie à la qualité des contributions citoyennes, source d’inquiétudes chez plusieurs professionnels du domaine de l’archivistique qui craignent devoir gérer des contributions inexactes ou hors champ. Un troisième défi concerne l’intégration des contributions citoyennes aux opérations courantes des institutions culturelles, lesquelles tendent à bousculer les pratiques qui y ont cours en rendant plus floues et perméables les frontières entre les professionnels et les amateurs. Enfin, un dernier défi, et non le moindre, consiste à assurer le développement pérenne d’une plateforme de collaboration citoyenne qui a été conçue dans un contexte de recherche action et d’expérimentation sociale.

Détenteur d’un doctorat en management de l’Université Laval (2002), Christian Boudreau est professeur à l’École Nationale d’administration Publique du Québec (Canada) depuis 2002. Ses travaux de recherche portent sur la collaboration interorganisationnelle, la participation citoyenne, le gouvernement ouvert et la surveillance. Dans ses plus récents travaux, il s’intéresse à la réutilisation des données ouvertes ainsi que à la participation citoyenne de type crowdsourcing, notamment dans l’enrichissement des fonds d’archives. Il est aussi un spécialiste des méthodes de recherche qualitatives, particulièrement les études de cas et la théorisation ancrée.

2- Développement d’une plateforme de crowdsourcing : l’expérience du Centre d’Etudes Guerre et Sociétés (CegeSoma) avec Florence Gillet

Le projet Ugesco (www.ugesco.be) auquel a participé le CegeSoma (Archives de l’Etat en Belgique) s’inscrit dans la mouvance de création collaborative de contenu expérimentée par plusieurs institutions patrimoniales depuis quelques années. Coordonné par le département ELIS de l’Université de Gand, avec la participation du département STIC de l’ULB, de la Faculté des Lettres de la KULeuven et du département de géographie de l’Université de Gand, le projet a abouti au développement d’une plateforme permettant d’enrichir les métadonnées spatio-temporelles de corpus d’archives photographiques grâce à des techniques de reconnaissances visuelles et textuelles. Celle-ci comprend entre autres un module de crowdsourcing et de gamification destiné à valider les données produites automatiquement. Les images utilisées comme test case ont été tirées des collections photographiques du CegeSoma. Si cet ambitieux projet a permis au CegeSoma de tester de nouvelles formes de communication et d’indexation de ses archives photographiques, celui-ci a également mis en lumière de nombreuses problématiques liées à la pérennité de ce type de projet bénéficiant d’un financement one-shot, au maintien technique de l’outil développé et à l’investissement nécessaire pour soutenir le lien avec le public sur le long terme. Nous proposons dans cette intervention de revenir sur les apports d’un tel projet pour une institution patrimoniale mais également sur les questionnements et les difficultés rencontrées depuis la phase de démarrage jusqu’à l’après-projet.

Détentrice d’un master en Histoire ainsi que d’un master en Sciences et Technologies de l’Information et de la Communication de l’Université Libre de Bruxelles, Florence Gillet a géré les archives images et sons du CegeSoma (Archives de l’Etat en Belgique) de 2007 à 2021. De 2016 à 2020, elle a également été responsable de l’accès numérique aux collections ainsi que des projets en humanités numériques de l’institution. Depuis 2020, elle travaille comme archiviste indépendante à La Réunion (France).

3- Jeudi, c’est Wiki à Québec : ou comment apprendre à collaborer avec Nathalie Vaillancourt

Le partenariat de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) avec Wikimédia Canada s’est amorcé il y a quelques années. Le téléversement de centaines de photographies du Fonds Conrad Poirier conservé aux Archives nationales du Québec à Montréal en a été le point de départ. Depuis, d’autres projets semblables ont été réalisés, dont celui du Fonds J. E. Livernois ltée à Québec. Des ouvrages et des documents anciens ont aussi été versés dans Wikisource.

En 2018, les ateliers Jeudi, c’est Wiki débutaient à Québec. Il s’agissait d’une collaboration des Archives nationales avec la Bibliothèque de l’Université Laval, le Service du greffe et des archives de la Ville de Québec et Wikimédia Canada qui s’est terminée il y a quelques mois.

Au fil des ans, plusieurs difficultés ont été rencontrées et le mode de fonctionnement des ateliers a été modifié. Pour BAnQ, les attentes et les objectifs de départ ont aussi été revus en cours de route. Comment s’est opérée la collaboration tripartite? Est-ce que ce modèle est viable? Quels apprentissages pouvons-nous tirer de cette aventure? Comment BAnQ conçoit maintenant sa participation à l’univers Wiki ?

Diplômée en histoire de l’art et en archivistique de l’Université de Montréal, Nathalie Vaillancourt œuvre depuis quinze ans dans le domaine du patrimoine et des archives. Elle a rejoint les Archives nationales du Québec à Québec en 2014 en tant qu’archiviste responsable de la diffusion des archives iconographiques, cartographiques et audiovisuelles. Elle s’intéresse particulièrement au libre accès et aux droits d’auteur, à la participation collaborative citoyenne et à la co-création d’activités éducatives et culturelles comme vecteur de démocratisation du savoir. Depuis 2020, elle est membre du comité externe de développement des collections du Musée de la civilisation de Québec.