L’AAQ a partagé une lettre au journal Le Devoir afin de faire suite au texte de M. Jean-Louis Roy diffusé dans les dernières semaines et portant sur la protection du patrimoine québécois.

Vous pouvez lire la lettre sur le site du Devoir : ledevoir.com/opinion/idees/558296/numerique-a-quand-une-nouvelle-loi-sur-les-archives.

Nous vous la partageons également dans son intégrité ici même.

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Dernièrement, le président-directeur général de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), M. Jean-Louis Roy, faisait paraître un texte démontrant l’importance des « biens patrimoniaux documentaires » en exhortant la vérificatrice générale du Québec, Mme Guylaine Leclerc, à les intégrer à ses préoccupations sur la gestion du patrimoine, chantier dont les résultats sont prévus au printemps 2020.

Rappelant leur statut de dépositaires des documents patrimoniaux versés par les organismes visés par la Loi sur les archives (archives publiques et privées) et par la Loi sur Bibliothèque et Archives nationales du Québec (documents soumis au dépôt légal), M. Roy souligne « que les Archives nationales et la Bibliothèque nationale sont confrontées aux exigences de la civilisation numérique ». Il rappelle le retard pris par le Québec dans le domaine légal et réglementaire « pour les arrimer à l’ère numérique ».

L’Association des archivistes du Québec (AAQ), qui regroupe les archivistes de ministères, d’organismes publics ainsi que de centres d’archives privées agréés, ne peut qu’entériner certains constats faits par M. Roy. En l’occurrence, l’AAQ manifeste depuis quelques années son inquiétude quant à l’arrimage de la législation actuelle avec la « civilisation numérique ». L’AAQ est particulièrement préoccupée par l’obsolescence de la Loi sur les archives adoptée en 1983, des années avant l’introduction des ordinateurs dans les administrations.

En effet, cette loi ainsi que ses règlements et ses politiques ont été pensés pour encadrer la gestion documentaire dans un monde où le papier et les autres supports analogiques prédominaient. Pleinement investis dans la gestion des documents et des données numériques, les archivistes, par la voix de l’AAQ, qui s’est faite leur porte-parole auprès des autorités gouvernementales, revendiquent une refonte de la Loi sur les archives qui leur permettrait d’assumer pleinement leur rôle. Non seulement souscrit-elle à la proposition de M. Roy voulant que la vérificatrice générale procède à un examen des politiques actuelles, mais l’AAQ renchérit en souhaitant aussi qu’elle examine l’ensemble du cadre légal et réglementaire relatif à l’évaluation et à la conservation des documents et des données numériques.

Dans son texte, M. Roy note la nécessité que « soit respecté par l’ensemble des ministères et des organismes [le] parcours des documents publics, produits numériquement ». Bien qu’en accord avec ce diagnostic, l’AAQ, de son côté, se demande surtout comment rendre les gestionnaires des organismes publics imputables de leurs décisions en matière de gestion documentaire en l’absence, dans la Loi sur les archives, d’un quelconque mécanisme de reddition de compte. Cette lacune contribue d’ailleurs, dans une large mesure, à sous-estimer cette fonction au sein de l’administration publique. Pour bien le comprendre, il n’y a qu’à comparer l’importance de la fonction de « gestion de documents » à celle accordée à la gouvernance et à la gestion des ressources informationnelles ainsi qu’à la stratégie de transformation numérique gouvernementale, ces dernières vues trop exclusivement sous l’angle des technologies de l’information.

Afin d’éviter la destruction ou la perte de documents ayant des valeurs légales et patrimoniales, plus particulièrement dans un univers numérique, il est impératif que soient intégrés ces concepts dans la révision de la loi.

Gestion documentaire

De nouveaux textes législatifs ne pourront cependant changer les choses s’ils ne sont pas mis en application par des spécialistes en gestion documentaire. C’est pourquoi l’AAQ insiste sur leur rôle dans les organismes publics et privés. Sans leur expertise, la constitution d’un patrimoine documentaire numérique restera périlleuse. Comment, en effet, sauvegarder ce patrimoine sans un minimum de ressources spécifiquement formées et consacrées à cette tâche et jouissant d’un encadrement légal et réglementaire leur permettant d’agir ? Cette malheureuse situation se vit pourtant dans certains organismes, et cela, plus de 35 ans après l’adoption de la Loi sur les archives.

L’absence de mesures légales contraignantes en matière de reddition de compte permet à des organismes de n’allouer à la gestion documentaire qu’un minimum de ressources pour gérer l’ensemble de leurs documents numériques. Il y a donc lieu de s’interroger sur ce qui sera conservé comme patrimoine documentaire historique dans le futur. Il pourrait être instructif de voir les résultats d’une analyse de la vérificatrice générale sur les ressources humaines affectées à la gestion documentaire par rapport au nombre de documents à évaluer et à conserver dans tous les organismes publics, incluant BAnQ.

Pourtant, les archivistes font une réelle différence dans un univers où chacun crée et reçoit des documents numériques, car ils ont, entre autres, pour tâche d’évaluer l’utilité administrative, financière et légale ainsi que la valeur patrimoniale des documents. De plus, ils déterminent et mettent en place les mesures et des moyens efficaces pour faciliter la gestion courante ainsi que pour assurer la conservation des documents et des données numériques. Ayant reçu une formation collégiale ou universitaire, ils sont en mesure de travailler sur un pied d’égalité avec les autres spécialistes en gestion de l’information.

La révision de la loi n’est certes pas une panacée, mais elle servira à resserrer la gestion des documents numériques, qui participe à l’amélioration des services à la population, à la transparence administrative et au respect des droits démocratiques. De plus, elle contribuera à pérenniser les documents numériques à valeur patrimoniale, comme le souhaitent tous les intervenants du milieu archivistique, y compris M. Roy.